Du 1 décembre au 22 novembre 2022

Belgian Gallery
Place d’Armes, 8
5000 Namur (Belgique)

Ouvert le samedi de 14h à 18h
Sur rendez-vous durant la semaine

En début 2021 avec le projet Les 7 péchés du capitalisme, pendant plus d’un mois, Rafaël Klepfisch et Camille Dufour ont affiché leurs diptyques dans les rues de Paris. Le projet s’est parachèvé par deux weekends de performances au CWB, les 8 et 9 mai et les 15 et 16 mai. Sur une presse, les artistes ont imprimé les deux derniers péchés de la série en public. Les deux estampes, accrochées à même les abribus, les murs décrépits, les couloirs de gares, ont constitué autant de tentatives de mettre l’œuvre en relation avec un public non dédié, de transcender l’espace muséal et de restituer à l’œuvre d’art sa puissance d’idiome de résistance.

Camille Dufour a présenté l’installation Lavandières de la nuit, dans l’exposition collective L’Anticipation d’un futur, à l’Espace Vanderborgh à Bruxelles.
Cet ensemble monumental a réuni une sélection de tirages jusqu’à épuisement de l’encre de trois gravures sur bois monumentales, revisitant le thème de l’apocalypse. Une évocation des menaces et violences qui pèsent sur nos sociétés, à l’ère de l’Anthropocène.

@camilledufour (B, 1991, Mons) développe une approche de la gravure qui allie installation et performance autour de gravures sur bois monumentales. En 2017, elle sort diplômée de la Cambre ENSAV. Son projet de fin d’étude, حلب صاو évoque le siège et la disparition de la ville d’Alep. Lors de cette performance, Camille Dufour imprime ses gravures à la main à l’aide d’un savon d’Alep jusqu’à épuisement de l’encre. L’effacement du motif gravé par impressions successives vise à laver symboliquement les désastres de la guerre et le trop plein d’images médiatiques.

En 2019, Camille Dufour poursuit ses recherches sur la catharsis et imprime jusqu’à épuisement de l’encre une centaine de xylographies sur toile dans l’usine de fabrication de toile Claessens Canvas. Cette série, Lavandière de la nuit est exposée par la suite au Wiels à Bruxelles, au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, à la Boverie à Liège, à Ijsberg à Damme ainsi qu’au Jacob Smits Museum à Mol.

En 2020, Camille Dufour entame une collaboration avec Rafaël Klepfisch. La série Les 7 péchés du capitalisme renoue avec les origines de la gravure comme moyen de reproduction et de communication populaire. Ce projet d’affichage urbain destine des centaines de gravures originales à être complétées et/ou emportées par les passants. Pour la BIP2020, le spectateur est invité à emporter les estampes afin de les afficher lui-même dans la ville de Liège, le dispositif se poursuit en 2021 au centre Wallonie-Bruxelles à Paris.

En 2021 le duo présente Empreinte carbone, une série de cent gravures sur bois liant cent portraits à autant de problématiques environnementales. Lors de l’activation au Delta à Namur, Camille Dufour et Rafaël Klepfisch impriment les vingt premières gravures de la série en cent exemplaires dans l’espace d’exposition. Le projet propose de penser le changement climatique collectivement au moyen d’une vaste correspondance épistolaire. Au total dix mille estampes seront distribuées par les artistes dans autant boites aux lettres en Belgique.

A l’ISELP, Camille Dufour aborde l’épuisement des ressources non renouvelables et présente Critical materials, quatre métaux menacés par les récents développements technologiques, quatre matrices en métal imprimées jusqu’à épuisement de l’encre.

Pour l’exposition PRINT&PAINT, 350 jaar bloemen op katoenau Château d’Ursel en mai 2022, Camille Dufour imprime jusqu’à épuisement de l’encre une lithographie de la taille d’une pierre tombale en écrasant des pétales de fleurs au dos de la toile. Eaux anonymes s’apparente à un rite funéraire, la matrice d’où émerge des corps ensevelis dans la mer est un hommage aux milliers de réfugiés morts noyés.

Camille Dufour est lauréate du Prix de la gravure et de l’image imprimée en 2017. Elle remporte le Prix de la Fédération Wallonie-Bruxelles à la Médiatine en 2019. En 2020, elle obtient la bourse VOCATIO et est lauréate de la Biennale de l’image Possible. En 2021, elle remporte la Triennale internationale de gravure contemporaine, le prix Dacos et la bourse Un futur pour la culture. En 2022 elle est lauréate de la résidence fondation privée du Carrefour des Arts.

www.camille-dufour.be

Rafaël Klepfisch (1992, Bruxelles) est détenteur d’un Master en réalisation à l’IAD (Louvain-la-Neuve, BE) et d’un Master en Histoire de l’Université du Maine.
Fort de ces deux cursus, il s’oriente vers la vidéo et l’écriture. Il est lauréat de la Biennale de l’image Possible en 2020 et de la bourse Un futur pour la culture en compagnie de Camille Dufour pour leur projet Les 7 péchés du capitalisme. Dans le cadre de ce projet transdisciplinaire qui mêle gravure, texte et vidéo, Rafaël Klepfisch crée une série de textes gravés ainsi qu’une installation vidéo monumentale, Retours sur le capitalisme – où sept projections diffusent en continu un montage d’images issues exclusivement
d’internet. Autant d’incarnations de l’imagerie triomphante qui sature l’espace public, recomposées pour mieux la déconstruire. Le projet bénéficie d’une nouvelle monstration en mai 2021 au Centre Wallonie-Bruxelles | Paris.

En 2021, Rafaël Klepfisch est à nouveau lauréat de la bourse Un futur pour la culture. Il poursuit la collaboration entamée avec Camille Dufour avec un nouveau projet, Empreinte carbone. Le projet est exposé une première fois au Delta à Namur à la fin de l’année. A cette occasion, les artistes distribuent deux-milles œuvres dans des boites aux lettres au hasard en invitant les destinataire à répondre.

En2022, Rafaël Klepfisch prépare un film expérimental, Ni vivants ni morts sur le monde agricole. Attentif aux enjeux contemporains et à la recherche de formes d’expression plus directes, Rafaël Klepfisch puise dans sa formation cinématographique pour composer des vidéos structurées tout en s’offrant un large champ l’expérimentation. Débarrassées d’un trop grand nombre de contraintes, ses vidéos font acte d’essai, de repositionnement, de questionnement face aux discours dominants.

Rafaël Klepfisch est aussi auteur de scénarios de romans graphiques. Tour à tour, il s’intéresse à la vie de l’alpiniste Georges Mallory pour questionner le rapport de domination de l’humain sur son environnement puis sur l’anthropocène à travers un roman graphique, La Falaise, lauréat du prix Découverte de la FWB et en cours d’élaboration. afaël Klepfisch enseigne également l’Histoire du cinéma et les techniques du scénario à Preparts Film. Enfin, il anime des ateliers à la Cinematek (Bruxelles) autour de la bande
dessinée et du cinéma.

Camille Dufour et Rafael Klepfisch, bénéficient de leur première exposition solo à la Belgian Gallery à Bruxelles. Nous avions présenté leur projet Les 7 péchés du capitalisme en mai 2021 au Centre. Camille Dufour a aussi participé à l’exposition collective L’Anticipation d’un futur, présentée à l’Espace Vanderborgh à Bruxelles, à la faveur de la saison Hors les Murs du CWB en septembre 2022.

L’exposition Échos de notre temps agrège un corpus significatif des travaux et recherches de Camille Dufour et Rafael Klepfisch.

À l’initiative du Centre, Marion Zilio, critique d’art (AICA) et commissaire d’exposition indépendante (CEA), a rédigé pour cet événement majeur un texte portant sur leur démarche.

Camille Dufour et Rafaël Klepfisch, Échos de notre temps
Épuisement générale !

Telle la nymphe Écho, condamnée à ne plus parler, sauf à répéter les derniers mots entendus, le geste de Camille Dufour apparaît comme une tentative d’épuisement des motifs et des corps. Mobilisant la technique de la gravure, dont les multiples sont autant d’originaux, l’artiste performe épreuve après épreuve jusqu’à l’évanouissement de l’encre. Ses estampes, denses et complexes, saturées de références enchevêtrées, exacerbent les tourments de nos sociétés dans une noirceur cauchemardesque proche des compositions infernales de Jérôme Bosh, Bruegel, Goya ou Piranèse. Des Cavaliers de l’Apocalypse aux dystopies futuristes, en passant par le destin funeste de la tour de Babel, la bombe atomique, les crises migratoires ou les catastrophes écologiques de l’Anthropocène, son œuvre égrène une iconographie chaotique semblable au pouvoir de sidération médiatique nous rendant aveugle, voire indifférent·e·s, aux drames contemporains.

Parce que la gravure n’autorise pas le repentir et que le stylet creuse les sillons du bois telle la cicatrice d’une peau, elle devient pour l’artiste un médium cathartique qui, par son format monumental, nous met face au désastre. Ses gestes répétitifs et harassants évoquent le labeur de l’ouvrière, de la lavandière ou le cérémoniel d’un rituel funéraire. Dans une ancienne usine de savons, elle réalise en 2017 sa première installation performance : صابون حلب. L’encre déposée sur la matrice adhère au papier sous la pression d’un savon d’Alep qu’elle applique à la main au dos des feuilles comme on procède aux ablutions des défunt·e·s. L’effacement progressif des images lave symboliquement les maux de l’humanité, telles les lavandières de nuit condamnées à expier leurs péchés en lavant le sang des linges pour l’éternité. Dans Eaux Anonymes (2022), ce sont cette fois des milliers de pétales de fleurs récoltées ou sauvées des bennes qui colorent la peau des toiles en hommage au réfugié·e·s disparu·e·s en mer. Lentement, des heures durant, Camille Dufour presse les pétales au pilon révélant, sur une face, l’image d’un drame tout en en offrant, sur l’autre, sa commémoration. La réversibilité des lectures et des regards prend encore une place prépondérante avec le projet Les 7 péchés du capitalisme (2019-2020), réalisé en plein confinement en collaboration avec Rafaël Klepfisch. Ce qui fut autrefois qualifié de vice apparaît désormais comme les vertus dont se prévalent les chantres d’un libéralisme dérégulé, où l’orgueil, l’avarice, la colère ou la luxure règnent en maître. Diffusés dans la ville, les tirages en diptyque accueillent un espace d’expression public, ravivant ainsi la dimension politique et populaire de la gravure. L’affichage court-circuite les modèles ou détourne, à l’instar du projet Nos corps (2022), les injonctions médiatiques à l’égard du corps des femmes.

Face à l’épuisement général, des motifs et de l’encre (comparable au carburant ou l’énergie), des corps et des âmes, les épreuves de Camille Dufour semblent réclamer notre repentance. De ses gestes éreintants, il résulte l’idée d’une dépense excédentaire et improductive, dont on pressent avec La part maudite de Georges Bataille, qu’elle est au cœur d’un équilibre salvateur.

Marion Zilio
Critique d’art (AICA France) et commissaire d’exposition indépendante (CEA)

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Camille Dufour, Lavandière de la nuit#1, 2, 3, xylographie, 210 x 366 cm

Camille Dufour, Lavandière de la nuit#1, 2, 3, xylographie, 210 x 366 cm

Lavandière de la nuit, installation performance, Classens Canvas, 2019

Lavandière de la nuit, installation performance, Classens Canvas, 2019

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