Labo_Demo : Entaille dans la création littéraire contemporaine émergente
Entrée libre. Réservation conseillée.
Galerie
127-129 rue Saint-Martin
75004 Paris
Cette année, ce sont 44 candidatures qui ont été déposées à l’attention d’un jury composé de :
Myriam Anderson, Editrice d’Actes Sud
Aurélie Olivier, Directrice de Littérature, etc. et Mathilde Recton, chargée de médiation pour Littérature, etc
Stéphanie Pécourt, Directrice du Centre Wallonie-Bruxelles | Paris et Diane Moquet, chargée de programmation littéraire au Centre Wallonie-Bruxelles | Paris
Monika Prochniewicz, programmatrice du festival Effractions de la BPI
Amédine Sédès et Stéphanie Vovor, autrices et performeuses, anciennes étudiantes du Master de création littéraire de l’université Paris 8
Selima Atallah Chettaoui est poète performeure et chercheure. Iel a grandi à Tunis et habite Paris depuis une dizaine d’années. D’une curiosité quasi-pathologique, iel se perd depuis des années dans les méandres de l’université. Ses écrits ont été publiés dans plusieurs revues comme Point de Chute, Deuxième Page, Contre5ens ou Débridé. Iel donne régulièrement des performances poétiques lors d’expositions pluridisciplinaires ou d’évènements électro et s’investit dans divers projets théâtraux en tant que dramaturge ou acteurice.
Norah Benarrosh Orsoni a été anthropologue avant de se tourner vers le documentaire sonore et l’écriture. Elle produit aujourd’hui des documentaires pour France Culture, Binge Audio et différents collectifs engagés. Elle est membre du collectif de création sonore Transmission, installé à Aubervilliers, où elle anime des formations à l’écriture radiophonique. En 2016, elle a également co-fondé la revue indépendante Panthère Première. L’écriture est aujourd’hui au centre de son travail et en 2021, elle intègre le Master de création littéraire de Paris 8 où elle écrit sur l’adolescence, sur le deuil et sur les États-Unis, en dialogue avec les autrices queer qui l’ont influencée.
Lina Benayada est étudiante au sein du Master de création littéraire de Paris 8 après avoir fait deux ans de classe préparatoire littéraire dans le lycée parisien Jules Ferry et un an de Lettres Modernes à la Sorbonne. Son projet d’écriture aborde les thématiques de transmission culturelle au sein de la famille, d’identité lacunaire et/ou non normative en termes de race, de genre et de sexualité. Elle participe au projet de poésie monté par le collectif AlienShe à l’initiative de Cléo Farenc, dont l’objectif est de visibiliser des artistes femmes, non binaires et queers.
Leo le Diouron est étudiant au sein du Master de création littéraire à Paris 8. Après une licence en sciences sociales (majeure sociologie) à Sciences Po Paris et à l’Université de Stellenbosch (Afrique du Sud), il travaille comme traducteur-relecteur (anglais-français) pour Profession Scribe avant de se concentrer sur l’écriture. En 2020, il écrit l’article “A Drop in the Ocean” à propos de son parcours de transition pour le média féministe The Elephant in the Room. Son projet littéraire s’intéresse à la mémoire de soi en explorant notamment les intersections, interstices et pénétrations entre les rêves et les souvenirs.
Justin Morin a été journaliste pendant une dizaine d’années pour plusieurs médias radios (réseau France Bleu, France Inter et Europe 1). Ces dernières années, il s’est surtout spécialisé sur les questions de justice et la couverture de procès. En 2021, il intègre le master Création littéraire de Paris 8. Dans son travail d’écriture, il s’intéresse au témoignage oral et à sa transposition écrite, réelle ou fictionnelle.
Artiste, poète, performeur, professeur de yoga. Résident aux ateliers Buropolis (Marseille), membre du comité d’accueil en résidence de production d’artistes et commissaires.
En 2022, il est lauréat du programme Suite du Cnap, accueilli par l’espace BALAK à Charleville-Mézières. Il est aussi accueilli en résidence de recherche au CAC l’H du Siège à Valenciennes.
Ses œuvres ont été montrées en Bretagne (Frac Bretagne, CAC Passerelle, galerie Lendroit éditions, Musée des Beaux-Arts de Rennes), à Paris (Paris Art Lab, Maison de la poésie, Progress Gallery), Nantes (Théâtre Vasse, Ateliers de la Ville en Bois), Marseille (Ateliers Blancarde, Buropolis) et en Allemagne (Kunstverein Haus 8, Muthesius) et ses textes publiés dans L’Humanité, r22 Tout-Monde, Poésie Maxi, Sur la page vol.3, Fracas, Rayon.Vert.
Son livre-partition-performance les états sensationnels, soutenu en 2020 par Itinéraire d’artiste(s) et Rennes Métropole, présenté à Rennes, Brest et Nantes, se développe actuellement en une installation textuelle sonore autonome programmée par ordinateur.
En 2021 et 2022, le CNAP, les Archives de la Critique d’Art de Rennes, le CAC 40mcube, Dos Mares et l’Espace Krajcberg, la Région Bretagne et a.c.b. Contre vents et marées, soutiennent LES YEUX RIVES, projet d’installation, performance et texte, portant sur le Manifeste du Naturalisme Intégral de Pierre Restany et Frans Krajcberg.
Avec le Collectif Uklukk qu’il a co-fondé avec Angèle Manuali, iels sont lauréats 2021 de la Fondation des artistes pour Uklukk – Maison de recherche et Radio Uklukk. Iels développent L’eau d’ici, textes chorégraphiés et training de performance, soutenu par le CAC La Criée, Anscharpark, OFAJ, DRAC Bretagne, Université Paris 8, Crous Créteil, Ocean Summit.
En 2021, co-fondation de COMICO, vacances et recherche en art contemporain.
Camille Bleker est architecte et autrice. Elle vit à Bruxelles et a suivi l’Atelier des Écritures contemporaines à la Cambre. Elle s’est éprise des objets qui nous entourent et explore les fonctionnalités de nos corps à travers ses textes.
Après une classe préparatoire littéraire, Louise de Bastier intègre le master professionnel de mise en scène et dramaturgie de l’Université Paris-Nanterre, dont elle sort diplômée en 2021. Parallèlement à ses études, elle suit de 2019 à 2021 des cours d’art dramatique au Conservatoire du Centre et du 5ème arrondissement de Paris. Elle est actuellement étudiante dans le master de création littéraire de Cergy Université.
En 2020, elle crée la compagnie Tous Croient Toujours, avec le comédien et danseur Matteo Renouf. Elle signe l’écriture et la mise en scène du spectacle Pour le réconfort des jeunes filles, présenté à Anis Gras en mai 2021 et au festival Nanterre sur Scène en novembre et travaille en ce moment sur sa nouvelle création, Les larmes du taureau, projet entre danse et théâtre autour de la figure du torero.
Portée par la pluridisciplinarité et par les dialogues pouvant exister entre différentes pratiques artistiques, Louise réalise aussi plusieurs installations (sculpture et performances) et coréalise le clip vidéo de « Diabolo Menthe » de la chanteuse Yoa.
En 2022, elle travaille en tant qu’assistante à la mise en scène sur deux créations : en théâtre, sur Ma Misanthrope, d’Agnès Bourgeois et en danse, sur la nouvelle création de Erika Zueneli, Landfall.
Je suis diplômé.e d’un Bachelier en peinture obtenu aux Beaux-Arts de Bruxelles (Arba-Esa) et actuellement en Master en Erasmus à l’ENSAPC, Ecole nationale supérieure d’art de Paris-Cergy. Ma pratique picturale allie dessin figuratif et peinture expressive. Elle constitue un des aspects de ma pratique artistique pluridisciplinaire, qui s’étend notamment dans les domaines de l’écriture et du son. Dans cette direction, j’explore les possibles de la poésie sonore et de la performance.
Yasmine El Amri est née en Margeride. Depuis 2016, elle produit des événements. Ces situations sont une manière pour elle de mettre en terrain sa pratique du texte à travers des dispositifs variés telles que performances, dîners, conférences, discours, garden party ou parties de campagne. Avec ces événements, elle donne à célébrer l’écriture et l’amitié. En 2020, son ambition d’entrer au ministère de l’Infrastructure, l’amène à intégrer le master de création littéraire, avec comme projet l’écriture d’un livre sur l’ambiance, l’aménagement du territoire et la SNCF.
Robin Faymonville (Liège, 1995) vit et travaille à Bruxelles. Après des études de philosophie et d’arts plastiques, il suit actuellement un master en écriture contemporaine à l’ENSAV-La Cambre où il se consacre à la rédaction de son premier roman. Ses textes ont été publiés dans les revues Sabir et EXO.
Adèle Aubineau est née en Bretagne et habite à Bruxelles. Elle poursuit cette année le Master Textes et Création Littéraire de la Cambre, et achève l’écriture de son premier manuscrit.
Bastien Hauser est un auteur suisse. Il termine actuellement des études à La Cambre (ENSAV) à Bruxelles, dans le cadre du Master Textes et création littéraire. Il publie, entre autres, une nouvelle chez Terre d’Auteurs, des poèmes sur la plateforme Tacite, un texte dans la revue EXO. En théâtre, il co-écrit la pièce Le deuxième mur. Par la suite, il écrit et met en scène la pièce de théâtre intitulée Monochrome 589, dans le cadre du festival C’est Déjà Demain, à Genève. Aux côtés de Perrine Estienne, il cofonde Et cætera, à Bruxelles. Et cætera organise des événements de lectures performées et extratextuelles.
Esther Teillard a grandi à Marseille dans le quartier du Panier. Elle aime sa ville et la prend en photo même si elle ne se laisse jamais faire, aussi libre et indisciplinée que les cagoles de la plage des Catalans dont elle collectionne les portraits. Passionnée de littérature, elle considère les livres comme des reliques sacrés, comme le signe de reconnaissance d’une fraternité secrète. Le livre mérite d’être malmené, ingurgité, dégluti, essoré. C’est le nectar qu’on en tire après l’avoir passé à tabac qui l’intéresse. Étudiante aux Beaux-Arts de Cergy (ENSAPC) en première année, Esther Teillard travaille sur le rapport entre texte et image. Son premier ouvrage intitulé Lettres de rupture pour quitter son amoureux avec délicatesse sortira cet été aux Editions Grèges.
Hélène Yamba-Guimbi vit et travaille entre Paris et Mexico, elle est actuellement étudiante à l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Paris-Cergy. Son travail s’articule entre l’écriture, la sculpture et la photographie. À travers ses formes brèves et ses mains, elle construit un espace d’expression aux marges des modes de langages dominants et creuse des brèches entre les mots.
Initiés en 2019, les « LABO_DEMO » du Centre Wallonie-Bruxelles | Paris, sont des dispositifs dédiés à valoriser la création contemporaine émergente – en arts visuels & en littératures contemporaines in & hors les livres. Implémentés avec la complicité d’écoles supérieures d’arts belges et françaises, l’ambition de ces cycles transdisciplinaires et hybrides est de valoriser des signatures artistiques encore non identifiées publiquement et d’attester autant de l’excellence de ces formations que de leur intrication, à l’heure où les parcours artistiques s’internationalisent et se déterritorialisent.
Rassemblées à l’initiative du Centre, les formations supérieures en écritures de Belgique et de France - l’université Paris 8 - l’École Nationale Supérieure des Arts Visuels de La Cambre et l'ENSAPC et l'université Cergy - s’associent pour cette deuxième édition des LABO_DÉMO.
15 auteur.rice.s issu.e.s de ces formations ont ainsi été sélectionné.e.s pour participer au labo :
Solos : Selima Atallah Chettaoui, Mathis Berchery, Camille Bleker, Louise de Bastier, Eli Desnot Marsan, Yasmine El Amri, Robin Faymonville, Adèle Goardet, Bastien Hauser, Esther Teillard, Hélène Yamba Guimbi
Collectif : Norah Benarrosh Orsoni, Lina Benayada, Léo Le Diouron, Justin Morin
À la faveur de cette soirée, le Centre se propose d’être un catalyseur, un archipel réservant un écho à ces lettres non encore identifiées publiquement. Une invitation à découvrir des formats libres explorant les registres, limites et ressorts de l’écriture, triturant les codes et attentes.
Programme
Selima Atallah Chettaoui – Université Cergy-Paris
Au service d’accueil des étudiant.es étranger.es de la préfecture de police
C’est un rite de passage à réitérer tous les ans pour les étudiant.es extra-communautaires. Il s’agit de faire entrer sa vie dans le moule de la bureaucratie et de la réduire à ses éléments les plus factuels. Cette légitimation intervient souvent dans un contexte de migration qui obéit à des logiques postcoloniales et après une éducation dans le pays d’origine qui n’a préparé à vivre qu’en France. Cette expérience est donc pétrie d’une violence symbolique que cette performance explorera par un dispositif de projection. Il permettra de confronter le langage administratif à celui du doute et de l’intime pour réintroduire l’individu au sein de cette machine déshumanisante.
Norah Benarrosh Orsoni - Lina Benayada - Léo Le Diouron - Justin Morin (collectif)
Meutes
Pour retranscrire dans la langue l’expérience de l’étrangéité, le poids du silence et les difficultés de la transmission, nous avons inventé une catastrophe si grande qu’elle pourrait être celle de tout enfant. Avec MEUTES, nous avons pensé une performance centrée autour de la multiplication des voix. Lorsqu’il est trop difficile de raconter son histoire, que quelqu’un·e le fasse à notre place peut ouvrir beaucoup de portes. Chacun·e d’entre nous prend tour à tour la responsabilité d’une catastrophe qui pourrait aussi être la vôtre. Le chœur que nous formons pousse d’abord au silence, au déni. Mais il devient le chant d’une meute puissante et protectrice dont les membres ont en partage le fait de s’être, un jour, senti·e étranger·e.
Mathis Berchery – Université Paris 8
C’est l’enfance
C’est l’enfance est une litanie, une invocation de l’enfant que l’on naît, qui réside en chacun.e.
Le texte, édité en un rouleau pour la performance, est lu par vagues, au rythme des gestes de déroulement, d’étirement, d’accroupissement, de redressement du corps, mais également d’emmêlement, d’amoncellement, de construction d’un espace de papier. Dans une ambiance de veillée bleue, des bribes de texte sont mises en boucle, deviennent des motifs qui engendrent et dévorent, la parole en spirale.
Des images de mer, des souvenirs d’enfance, des premières sensations jouent dans les vagues de répétitions, de sonorités, de variations infimes du mot, de la phrase, et ainsi de sens. Le texte cherche,l’enfance creuse, la parole mange.
Camille Bleker – ENSAV La Cambre
Estomac
On tente de mettre de l’ordre dans le corps de la même façon qu’on range son appartement. On commence par vouloir tout ranger profondément, puis on se décourage, rattrapés par d’autres envies ou par la fatigue. Ici, le corps est celui d’une femme qu’elle décrit comme une enveloppe qui l’abrite et dont l’intérieur est obscur. Un système depuis lequel tout entre et sort, un estomac. Elle multiplie les expériences dans sa cuisine-laboratoire et parfois, son corps se met à la piloter. Elle éprouve des difficultés à faire sortir ses mots, ses désirs et ne vomit presque jamais. On est constamment accompagnés d’un volume auquel on ne peut pas échapper.
Louise de Bastier – Université Paris 8
(des noms)
Que deviennent les écritures intimes lorsque l’intimité qui les éclaire disparait ? Comment déchiffrer alors les énigmes scripturales, laissées par d’autres avant nous ?
La performance (des noms) invite à se pencher sur des écritures oubliées : celles qui ornent les draps, les nappes, les trousseaux de nos grands-mères et arrière-grand-mères (ces bagages de linges qu’emportaient avec elles les jeunes mariées). Prenant bien souvent la forme de simples initiales, ces écritures transmettent une intimité exacerbée qui nous apparait pourtant profondément mystérieuse, transformant ces broderies intergénérationnelles en message codés.
À partir d’entretiens menés avec différentes femmes d’une même famille, la performance imagine des draps brodés porteurs de secrets révélés. Les mouvements des draps – que l’on secoue, que l’on plie, que l’on range – troublent pourtant la lecture et invitent à s’engouffrer dans cet espace de l’entre-deux, de la parole publique à la parole intime.
La performance s’attache ainsi à transmettre ce qui, justement, ne pourra plus jamais être complètement transmis, interrogeant la continuité brisée qui préexiste entre tradition et transmission. Loin pourtant de proposer une langue à jamais perdue, (des noms) se pense comme une invitation à faire de ces restes les fondements de nouveaux langages et à perpétuer ainsi de nouvelles énigmes.
Eli Desnot Marsan – Université Cergy-Paris
Ne pas se décourager
Je joues avec la répétition et le morcellement des syllabes qui font à la fois apparaître et disparaître les mots, tordent et retendent le sens de la phrase. J’explore chaque son et je reconstruis une phrase avec ces sonorités. Le langage est activé autrement, il devient une matière dense contenant une pluralité de sens et d’idées pouvant résonner en chacun d’entre nous.
Yasmine El Amri – Université Paris 8
La ligne de partage des eaux
L’eau peut jaillir d’une même montagne mais ne pas s’emboucher dans la même étendue. La ligne de partage des eaux détermine la direction vers laquelle coulent les rivières. Selon qu’elle se situe au dessus ou en dessous de la ligne, la rivière s’embouchera dans l’Atlantique ou dans la Méditerranée. Le hasard d’une ligne de partage des eaux comprise en pleine diagonale du vide.
Robin Faymonville – ENSAV La Cambre
Personne
Sur une nappe de musique répétitive, un poème est déclamé. Le poème montre un “je”. Une personne allant de l’indéfini à l’animal, du fantôme à l’être inorganique. Cette proposition explore les nouvelles configurations poétiques ouvertes par l’étude du perspectivisme amérindien menée par Eduardo Viveiros de Castro.
Adèle Goardet – ENSAV La Cambre
Darlings
Si j’ouvrais la galerie de son téléphone, je tomberais sur cet album qui s’appelle Darlings. Elle l’a appelé comme ça parce que c’est le titre du livre, le futur livre, alors l’album, Darlings aussi. C’est sa collection, de toutes les photos de Céline et Andrea. Elle les a récupérées partout, Instagram Facebook Twitter, depuis un an, plus d’un an, presque deux. Cent captures d’écrans, de leurs balades, leurs soirées, les emojis qu’ils utilisent et leurs descriptions sur les réseaux, les amis qu’ils partagent, cinq, six identifiants différents ; la moindre trace de leur existence numérique, dans les vides de leur feed leurs moments de bonheurs et les traces de coup de foudre — en ligne elle a tout pris.
Bastien Hauser – ENSAV La Cambre
Le plus simple c’est de se laisser faire
Il est presque quatre heures du matin, sur le trottoir devant une boîte de nuit, ça roule clope sur clope pendant que le soleil se lève, à l’urinoir un type fait disparaître ce qu’il reste d’intimité, les pupilles sont dilatées, ça parle sans s’écouter pendant ce qui ressemble à des jours entiers, ça traverse des fils d’actualité sans faire attention à rien, on reçoit des messages t’es où ???, on répond pas, pas le time, on est au centre d’une galaxie qui n’est pas la nôtre.
Esther Teillard – Université de Cergy-Paris
Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins
«Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins.» C’est ainsi que commence mon roman favori.
Lolita dont on a entendu parler, toujours au coeur du débat, sujet tellement actuel. L’histoire d’une petite fille abusée par un narrateur qui déguise l’atrocité de ses actes en une histoire d’amour sublime. Mais aujourd’hui ce n’est pas du sujet de ce livre dont je veux vous parler, mais de sa forme. Lolita porte d’entrée vers les arts plastiques, moi qui croyait qu’un livre ne pouvait être qu’un livre. Car Lolita est surtout une ode à la photo, à la peinture, à la couleur, à la matière, une réflexion picturale. Retenons cette lumière avec laquelle commence le livre. Beaucoup d’identités pour une seule personne, jusqu’à prendre l’allure d’une jeune femme aguicheuse détournée par la pop culture. Et Lolita «nitescence langoureuse», Lolita aux «bouderies bleues» et à «l’hilarité rose»? Lolita «de cobalt ciselé»? Qu’a t-on fait de cette Lolita? Si on essore ce livre, on tombe sur un nectar où Lolita prend l’allure d’une lumière éclatante nécessitant un ajustement focal. Lolita est phosphorescente, ultraviolette, lointaine, littéralement radieuse, apparaissant en plans plus ou moins rapprochés sous les jeux de lumière d’un terrain de tennis. Lolita est ivoire, éclats de verre, entrelacs de fil de fer barbelés. Son enfance n’est jamais décrite comme cassée, horrible, mais «recouverte d’une légère pellicule de boue séchée». Et ça marche. On en comprend l’horreur. À croire que l’appel au pictural et aux sens fonctionne encore mieux pour décrire l’atroce… Si je vous disais que Nabokov était synesthète? Car c’est le cas.
Hélène Yamba Guimbi Université Cergy-Paris
Lifeline, Storyline
Depuis un an, Hélène développe un nouveau travail à la croisée de plusieurs langues où le texte et la parole deviennent des matériaux malléables portés par différents parleurs. Inspirée par les protocoles de lecture du Slow Reading Club (Bryana Fritz, Henry Andersen) avec qui elle a partagé un workshop en janvier 2022 et accompagnée de Fernanda Lobato, Hélène proposera une expérience de lecture performée où les voix bégaieront ensembles et feront ainsi émerger une nouvelle forme de récit polyphonique et contaminé.