Armand Morin, Reliefs
Exposition personnelle à la Zoo galerie
Zoo galerie
12 rue Lamoricière,
44100 Nantes
Du mardi au samedi de 14h à 19h00
Dans ses installations, ses sculptures et ses vidéos, Armand Morin (né en 1984 à Nevers) s’attache au potentiel de fiction et de récit contenu en chacune des formes produites par l’humain, la nature, mais aussi l’image, pour questionner l’exotisme, le faux-semblant et les projections. À de multiples
échelles, des maquettes aux captations réalisées au drone, les effondrements et les ruines en puissance dans ces œuvres traitent de la plasticité du paysage et de plus larges écosystèmes. Ses pièces troublent le rapport au réel et interrogent les transformations d’environnements naturels et architecturaux liées à l’exploitation, à l’extractivisme et au monde des loisirs.
Ses expositions récentes ont été présentées au Centre Wallonie Bruxelles de Paris (2021), la Friche Belle de Mai (Marseille, 2020) ; à Memento (Auch, 2019) ; au Palais de Tokyo (Paris, 2017) ; au Schirn Kunsthalle (Cologne, 2017) ; au Frac Bretagne (Rennes, 2013) et au Salon de Montrouge (2012). Ses films ont été projetés dans divers festivals. Il a présenté des performances à la Fondation d’entreprise Ricard à Paris (2015) et au festival Hors-Pistes du Centre Pompidou (2014). En 2015, il est artiste en résidence à Marfa et au centre archéologique de Bibracte. En 2008, ses vidéos et sculptures sont récompensées par le Prix des arts plastiques de la ville de Nantes. Il est diplômé de l’ESBA de Nantes (2007) et du Fresnoy à Tourcoing (2012). Armand Morin vit et travaille à Bruxelles.
Pour sa première exposition personnelle dans le nouvel espace de Zoo Galerie, Armand Morin a conçu un environnement qui prendra la totalité du centre d’art dans ses filets, faits de bâches en plastique. Le résident bruxellois, ancien diplômé de l’école des beaux-arts de Nantes, lauréat du prix de la Ville en 2008 et formé à la réalisation filmique au Fresnoy, fait déborder le contenu de son nouveau film (Reliefs) dans le lieu-même qu’il investit, en y implémentant des éléments de décor. Il n’est pas question de noircir les murs de la galerie de ce charbon qu’il est allé filmer dans les mines à ciel ouvert de l’est de l’Allemagne, ni de transformer le centre d’art en une de ces serres hydroponiques qui recouvrent, sur des dizaines de kilomètres carrés, le sol du sud espagnol – qui pourvoit en fruits et légumes une Europe rompue à l’agriculture intensive. L’artiste entend plutôt immerger le public dans l’ambiance de son nouvel opus, où des décors « naturels » côtoient les résidus issus de l’hyper production que génère notre mode de vie occidental.
Bien qu’il emprunte le ton de la fable, le dernier film d’Armand Morin n’affiche pas de vue moraliste. Il pourrait cependant se ranger du côté d’une science-fiction classique. Y est ainsi mis en scène l’exil des habitants d’une planète – la nôtre –, que la surexploitation de ses ressources a fini par rendre inhabitable, et que l’on abandonne comme une vieille guimbarde. Le thème est récurrent dans la science-fiction des années 1960 à nos jours. Il inspire autant les apologistes du progrès – certains de pouvoir se réfugier sur un nouvel Éden grâce aux ruptures décisives de la technologie –, qu’il fait peur aux jeunes générations – conscients que ces voyages extra-terrestres ne concerneront qu’une marge réduite de la population : la même qui, déjà, s’est employée à rendre la Terre stérile.
Pour autant, les films d’Armand Morin ne sont pas exempts de contradictions. Ils ont ce côté « la Terre vue du ciel », qui rend toute chose belle lorsqu’elle est capturée d’en haut. Même les pires buildings construits à une époque soi-disant révolue, où l’on pouvait encore se permettre d’ériger de tels grands projets de béton. Même les mines de charbon en plein air. Même les étendues à perte de vue de voile de plastique qui bordent le littoral de l’Andalousie. Tous revêtent ce caractère de séduction picturale et génèrent la contemplation. Mais c’est sans doute l’effet produit par l’usage du drone, qui introduit la distanciation nécessaire à la disparition des détails de la catastrophe, et ainsi à l’enjolivement des paysages apocalyptiques.
Mais que l’on se plonge dans leurs Reliefs, au ras du sol, et les effets de cette productivité débridée ne sont plus aussi plaisants à voir. L’esthétique du Bruxellois est un pied-de-nez au Pop Art des années 1960, qui fétichise autant qu’il dénonce la société de consommation, ses matières lisses et son plastique aux couleurs flashy. Armand Morin est un anti Larry Bell, qui se situe plus du côté d’un David Hammons avec son emploi de matières déclassées, mais sans la préciosité poétique de l’Américain. Les bâches qui enserrent l’espace de la galerie et la mettent littéralement sous serre n’ont pas de véritable qualité plastique. Les empilements de boîtes de sandwiches à l’« espérance de vie » plus que réduite installés dans le centre d’art rayonnent d’une aura décalée, conférée par leur « patine de crasse » et les multiples mauvais traitements qu’ils ont l’air d’avoir subis. L’artiste semble vouloir redonner à ces objets, à rebours d’une attirance convenue pour un finish fetish, une nouvelle dignité.
Le parcours que dessine l’exposition se tisse à partir d’indices épars, qui témoignent de la présence de protagonistes ayant fui la « scène de crime ». Les micro-reliefs façonnés par l’artiste redoublent le récit de la vidéo ; ses micro-paysages abritent les « reliefs » d’une gigantesque orgie.
Le Centre a soutenu le travail d’Armand Morin à plusieurs reprises : d’abord en 2020, lors de l’exposition collective Hors les Murs « Signal / Espace(s) Réciproque(s) » (commissariat Lola Méotti et Aurélie Faure), à la Friche la Belle de Mai, lors de la Saison Parallèle Marseillaise 2020, dans le cadre de laquelle Armand a exposé les deux œuvres « Les oiseaux » (vidéo) et « Posters & Souvenirs » (résine).
Le Centre a exposé In Situ la vidéo « Les Oiseaux » lors du cycle de films d’artiste « 25 Arts Seconde » en juin 2021, et la vidéo « Sand Castles » à la Villa Gillet (Lyon), lors de l’opération « Corruption & Dilution », dans le cadre de la Saison parallèle Lyonnaise 2021.