18.08.22

Interview de Anne Vimeux & Élise Poitevin, deux fondatrices du Sissi club à Marseille

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Comment a germé l’idée et est né le Sissi club?

On a ouvert le SISSI club en avril 2019 à Marseille, mais un an avant, on a créé l’association SISSI que l’on considère comme une entité curatoriale et de recherche, mouvante, nomade. L’idée a germé à la fin de nos études en Histoire de l’Art, on a écrit une exposition qui allie nos sujets de recherche à partir d’œuvres d’étudiant.e.s des Beaux-Arts de Marseille. Il s’agissait également pour nous de questionner la notion de légitimité, le statut d’artiste et de chercheur·euse en art et de penser une approche horizontale, de faire ensemble sans être sous le joug d’une institution, de s’émanciper du système scolaire. Par celle-ci, nous avons commencé à œuvrer dans une démarche d’accompagnement et de valorisation de jeunes artistes et à « faire nos armes » en tant que curatrices par nos propres moyens.
Par faute d’espace pour accueillir notre projet, nous avons finalement décidé d’ouvrir notre propre lieu, et c’est comme cela que le SISSI club est né. Cet espace on aime à le qualifier de « project space », on y fait des expositions avec des projets in situ, pensé pour le lieu avec les artistes avec qui l’on travaille et à partir de sujets de recherche et des questionnements esthétiques, politiques qui nous stimulent.

Qu’est ce qui constituent les traits de démarcation du SISSI club?

Les traits de démarcation du SISSI club serait que le lieu est dirigé par deux historiennes de l’art accompagnées d’un graphiste, Tomas Di Giovanni. Il en découle une programmation issus de nos recherches universitaires et curatoriales, et soulignée par le travail graphique. Ce positionnement curatorial se construit autour du médium pictural, des notions de figuration et de représentation ainsi que des questions d’ancrage, de marge, de liens au territoire et à ses dynamiques.
De plus, c’est un lieu à la croisée de plusieurs statuts et modèles économiques. Il s’agit d’un espace mélangeant les pratiques d’un centre d’art, d’une galerie, d’un project space, c’est-à-dire qu’on pioche dans chacune de ces références pour inventer un modèle viable pour une petite structure comme la nôtre. Pendant deux ans, le lieu a été auto-géré. Nous avons donc dû réfléchir quotidiennement aux possibilités économiques, de subsistance en passant par le bar associatif à la vente d’œuvres, et des subventions de projet afin de faire fonctionner le lieu et rémunérer le travail des artistes. Depuis cette année, on est soutenues par la ville de Marseille, et nous avons décidé d’affirmer notre travail en tant que galerie suite à des invitations à des foires internationales. Nous sommes associées à cinq artistes: Aurilian, Camille Bernard, Inès Di Folco, Léna Gayaud, Luisa Ardila et nous présenterons leurs pratiques au sein de deux-trois foires cette année.

Comment avez-vous rencontré le travail de Victoria Palacios ?

Grâce à un réseau en commun, Anne a découvert le travail de Victoria Palacios sur Instagram, et à peu près au même moment, Victoria a découvert notre lieu ce qui a amené à une première rencontre en 2020 à Marseille avec Elise. Nous avons le projet de travailler ensemble deux ans, mais celui-ci a été retardé en raison de la pandémie de la Covid-19. On a ainsi pris le temps de découvrir amplement le travail de Victoria, et de l’accompagner pour une aide à la production.

Qu’est-ce qui dans cette démarche vous a interpellé ?

En plus d’avoir une esthétique singulière, qui donne à voir de nouvelles représentations charivariques, Victoria a une intéressante réflexion sur la peinture dans l’espace. Elle aime à penser que « la peinture s’ennuie sur le mur ». De là découle une peinture qui se décline sur différents formats, comme si elle essayait de s’échapper du cadre et devenir autre chose, objet, sculpture, matière, batterie, crocs ou encore pain de mie. Elle crée des expositions scéniques qui surajoute à cette ambiance latente, comme si les œuvres allaient s’animer. Ainsi, quand la performance finit par advenir, Victoria, en cheffe d’orchestre, parfait ce bousculement des frontières, jusqu’à se demander qui joue pour qui, et qui en est le public. Cet aspect de son travail sera au cœur du finissage de son exposition puisqu’à l’occasion du festival Actoral, deux représentations se tiendront avec René Palacios, Aude Van Wyller et Loto Retina.

Sur quelles lignes de force reposera l’exposition ?

Pour cette nouvelle exposition personnelle, Victoria Palacios traite de la figure du pantomime dans une série de peintures au décor mélancolique. Habituée à des tons pastels rehaussés de couleurs vives, sa production opère un changement d’ambiance. Star of Bethlehem, Beech, Gorse, par ce titre emprunté aux Fleurs de Bach, l’artiste explore la question du travail et de l’émotion, de ces possibles formules de réparation et de guérison. Avec malice et dérision, et à l’instar des aérosols de Ventoline, les flacons thérapeutiques s’inviteront sur la tranche des peintures, comme un remède pour elle, pour nous et pour ces pantomimes.

Interview menée par Ariane Skoda

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