07.07.23 — 26.11.23

Exposition « Traversée de Nuit » de Martine FEIPEL & Jean BECHAMEIL

Une exposition réalisée avec le soutien de Kultur LX et du Centre Wallonie-Bruxelles|Paris

Du 7 juillet au 26 novembre 2023

Entrée libre

Centre d’art contemporain de Châteauvert
460 Réparade, 83670 Chateauvert

Vernissage le vendredi 7 juillet à partir de 17h

Martine Feipel est née en 1975 à Luxembourg. Jean Bechameil est né en 1964 à Paris. Iels travaillent ensemble depuis 2008 et vivent et travaillent actuellement à Bruxelles.

Martine Feipel a suivi des études d’arts plastiques à l’université des Arts de Berlin et au Central Saint Martins College of Arts & Design de Londres. Jean Bechameil est passé par l’École des Beaux-Arts de Paris et par l’Académie Willem de Kooning de Rotterdam. Il a également travaillé sur différentes scénographies de films et a aidé à la réalisation de décors de plusieurs films de Lars von Trier.

Sélectionné.e.s en 2011 pour représenter le Luxembourg à la 54e Biennale de Venise, Martine Feipel et Jean Bechameil ont également été invité.e.s à participer à de nombreuses expositions internationales et à des manifestations culturelles comme au Kunstmuseum à Bonn, au Pavillon de l’Arsenal à Paris, à Kunsthalle de Mulhouse, lors de la Triennale de l’art contemporain près de la mer en Belgique, lors de Lustwarande ’15 à Tilburg au Pays-Bas ou lors de la Nuit Blanche à Paris. En 2017, le Casino Forum d’art contemporain Luxembourg leur consacre une exposition monographique et, en 2020, iels ont occupé la HAB Galerie avec l’exposition Automatic revolution. En 2022, iels ont été invité.e.s à faire une exposition monographique au Menoparkas pour l’ouverture de la Capitale européenne et le Mudam Luxembourg, Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean leur a commandité une nouvelle œuvre pour le Jardin des Sculptures.

Martine Feipel et Jean Bechameil sont représenté.e.s par les galeries Zidoun & Bossuyt (Luxembourg, Dubaï) et Fontana (Amsterdam).

En 2022, dans le cadre de sa Saison Liquide_ Éthique barbare, le Centre a représenté à deux reprises le travail sculptural et d’installation de Feipel & Bechameil.

En mai 2022, le duo a présenté in situ dans l’espace de cour du Centre, l’installation The Dreamers. Réplique à taille réelle d’une des plus grandes cloches d’Europe, la sculpture, originalement créée pour l’exposition La Nuit sans lune au Creux de l’Enfer à Thiers en 2013, où elle était suspendue au plafond et silencieuse, s’exposait pour la première fois en extérieur et dans une version sonorisée. Diffusant la clameur militante de manifestant.e.s et ceinturée de bannières revendicatives, cet ensemble entendait mettre en perspective notre société contemporaine avec les grandes utopies du XXe siècle et les relations complexes entre le progrès technique, l’industrie et les révolutions sociales.

En septembre 2022, à la faveur d’une opération Satellite hors les murs à Bruxelles et présentée à l’Espace Vanderborght, le Centre a invité les artistes à participer à l’exposition collective L’anticipation d’un futur, réalisée sous le commissariat de Valérie Toubas & Daniel Guionnet, fondateur.ices de la revue Point Contemporain. Feipel & Bechameil y ont exposé notamment trois sculptures de la série Theatre of Disorder, mettant en situation des objets archaïques de la modernité, associés à un univers technocentré, mis en mouvement dans une chorégraphie du désordre.

Après plusieurs mois de travaux, le Centre d’art contemporain de Châteauvert réouvrira ses portes le 7 juillet 2023 à l’occasion d’une exposition du duo Martine Feipel et Jean Béchameil.

Traversée de Nuit a débuté un mois avant l’ouverture de l’exposition par une performance - tournage d’une marche participative avec une cinquantaine de personnes de tout horizon qui s’est déroulée au crépuscule dans les alentours du centre d’art vendredi 2 juin 2023.

Hommage aux migrations d’hier, d’aujourd’hui et de demain, Traversée de Nuit se réfère aux mouvements de population relatés par le médecin grec Ctésias dès le Vème siècle avant J.C., aux déplacements de populations de tous les temps, à la marche du sel de Gandhi en 1930 ou à celle de Mao Tsé Toung en 1934 mais aussi aux marches des réfugié·e·s dans la jungle du Darien au Panama, jungle qu’ils traversent au péril de leurs vies pour rejoindre les Etats-Unis, sans oublier les migrations toujours plus risquées qui mènent vers l’Europe par des cheminement et des détours qui changent au grès des contrôles.

Hommage à la nature, Traversée de Nuit prend la parole pour le compte« d’un absent
qui ne peut s’exprimer lui-même» 1 alors que « nous sommes en pleine crise climatique et que la croissance, l’économie et les valeurs même du travail sont remises en cause. »

Ces deux hommages se sont trouvés mêlés lors de cette marche où la nature a illustré la force de sa présence quelques heures auparavant par un orage terrible qui l’a placé, de fait, encore plus au centre du propos développé par Martine Feipel & Jean Béchameil. Un orage qui a permis à la marche de bénéficier d’une brume presque opalescente à la photogénie extraordinaire. Comme si la nature avait décidé elle aussi de figurer magistralement dans la vidéo réalisée au cours de cette marche. La lune, presque pleine, vint s’en mêler également et éclaira de ses rayons la forêt et le jardin. Soulignée par une dizaine de flambeaux allumés et portés par les participantes et participants, Traversée de Nuit s’est déroulée avec une solennité renforcée par la présence de dix effigies de couleur crème extraites du répertoire de Martine Feipel & Jean Béchameil, le serpent, l’usine, un scarabée mystérieux, etc., permettant à chacune et chacun de partager un moment rare au milieu de la forêt au crépuscule. Traversée de Nuit se révèle alors à la fois une synthèse du long travail réflexif de Martine Feipel & Jean Béchameil et un manifeste où toutes les espèces entendent participer à l’embellissement du monde.
C’est cette nouvelle œuvre vidéo qui ouvre l’exposition de Martine Feipel & Jean Béchameil. Le sens de cette œuvre tutélaire est complété par plusieurs œuvres existantes tels que Electric Eclipse, bas-relief monumental robotisé datant de 2017, ou Garden of Resistance, présentée au sein de l’exposition éponyme au Mudam en 2022. Si ces deux œuvres empruntent une partie de leur dialectique au monde de la robotique elles ont été hackées par les artistes tels des prothèses technologiques ayant perdu tout sens.

Garden of Resistance, présentée en 2022 au sein de l’exposition éponyme au Mudam,
est constituée d’aluminium. « Visuellement, elle se présente comme un arbre qui a été abattu et dont le fût élagué est couché »3 dans l’espace d’exposition. De vivaces et solides rejetons aux couleurs franches, l’aluminium étant peint, ornent sa partie supérieure. Leur présence évoque la résilience de la nature. « Dans les espaces forestiers, un arbre mort est source de vie et d’hospitalité. Il s’y développe de nouveaux habitats. La faune et la flore s’y renouvellent. L’observation de ce phénomène nous convainc que le temps est cyclique et contredit les habitudes culturelles qui nous font appréhender le temps de manière linéaire, comme une succession d’événements avec un début et une fin. Ce sentiment est plus fort encore dans un monde qui frappe d’obsolescence, c’est-à-dire de mort programmée, les inventions techniques qui scandent la marche du progrès. Dans la sculpture Garden of Resistance, la vie est également induite par la légère rotation en continu d’un tronçon de l’arbre. Comme doté d’autonomie, ce mouvement, sans finalité, peut aussi se lire comme la résistance d’un objet mécanique à son obsolescence. Il deviendrait ainsi résilient. » 4 Une nouvelle œuvre réalisée à l’occasion de Traversée de nuit, Oreamers, forêt d’arbres en céramique colorées rappelle encore que la nature est résilience et complète le propos de Garden of resistance.

La nouvelle série Catch fire, constituée de bannières de tissus colorées aux couleurs chatoyantes, réalisée à la suite de la série Ni robot ni esclave de 2019 renvoie à la fois aux luttes, et aux marches qui ont pu les accompagner, mais aussi aux œuvres textiles des années 1920 de Sonia Delaunay ou des artistes du Bauhaus ainsi qu’aux courants de pensées du XXème siècle.

L’exposition est accompagnée d’une œuvre sonore constituée de légers bruits de forêt, entre vivant et artificiel, qui complète la découverte de l’exposition. Ces bruissements à peine perceptibles se trouvent mêlés aux sons des deux vidéos, Traversée de Nuit et Hôtel Utopia, œuvre réalisée en 2018 lors d’une résidence de Martine Feipel et Jean Béchameil à
Ibiza, où ils avaient souhaité habiter poétiquement l’ile. Tournée dans le décor presque absurde d’un hôtel non terminé de l’architecte catalan disciple du Corbusier José Lluis Sert, Hôtel Utopia concourt à une critique d’un modernisme dépassé.

Si Martine Feipel & Jean Béchameil ont longtemps porté des réflexions sur l’héritage du modernisme tout en en relevant l’ambivalence, ils soulignent aujourd’hui la place du vivant comme centrale. Les métamorphoses inhérentes à la condition d’être vivant sont ici explorées plastiquement à travers ce corpus d’œuvres rassemblées. Finalement, il semblerait que Martine Feipel & Jean Béchameil interrogent, à travers cette nouvelle proposition artistique, de manière optimiste, le fait que les êtres vivants ne se limitent pas à habiter tel ou tel espace géographique mais à être un sol qui ne cesse de changer et de s’adapter à la nature.

Lydie Marchi, commissaire de l’exposition, juin 2023

Contra Construction Unit, 2017 ©Feipel&Bechameil

Contra Construction Unit, 2017 ©Feipel&Bechameil

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