Conférences Pirates & Renégat.e.s. Utopies & Cosmologies à l’Ère Liquide #Symbiosium2
Intervenants : Édouard Jourdain, Dénètem Touam Bona et Justine Feyereisen. Modération : François Salmeron
Entrée libre sur réservation
Galerie
127-129 rue Saint-Martin
75004 Paris
Performances de préfiguration “Before going siren” de OBT.T
François Salmeron, critique d’art (AICA France), journaliste (Le Quotidien de l’Art), philosophe, enseignant (Ecole des Arts de la Sorbonne, Université Paris 8), poète. Auteur de
Né en 1984, vit et travaille à Paris.
Critique d’art et vice-président du bureau de l’AICA-France (Association Internationale des Critiques d’Art), François Salmeron contribue depuis 2012 à des publications françaises et internationales, dont Le Quotidien de l’Art et son Hebdo actuellement, après avoir été assistant d’émission pour Les Nouveaux Chemins de la Connaissance sur France Culture, et journaliste chez Philosophie Magazine.
Chargé de cours au Département de Photographie de l’Université Paris 8 Saint-Denis, et à l’Ecole des Arts de la Sorbonne, il développe ses recherches doctorales à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ED APESA) autour des éthiques et des esthétiques environnementales, et a publié Itinérances Écologiques – Art, Éthique et Environnement (éditions Caza d’Oro – Les presses du réel, 2024, 272 p. illustrées).
Il a édité plusieurs recueils de poésie, dont Le Chasseur de Minuit (2007), Le Funambule (2009), Fréquences (2013), Je me suis tu (à paraître), et se consacre à la musique blues, jazz, rock et pop, en tant que batteur.
Édouard Jourdain, enseignant chercheur en théorie politique.
Auteur notamment de :
Maîtriser les conflits par les communs (Frémeaux et associés, 2024), Le sauvage et le politique (PUF, 2023), Géopolitique de l’anarchisme (Le cavalier bleu, 2023), en tant que spécialiste de l’anarchisme, de la pensée de Proudhon, et des communs.: Itinérances écologiques – art, éthique et environnement (éditions Caza d’Oro – Les presses du réel, 2024).
Edouard Jourdain est maître de conférences en science politique à l’Université Catholique de l’Ouest et chercheur associé à l’EHESS (CESPRA). Spécialiste de l’anarchisme et de la pensée de Pierre-Joseph Proudhon, il explore également les théories politiques des communs et leurs implications contemporaines. Ses travaux s’inscrivent à l’interface de la science politique, de la philosophie et de l’anthropologie.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Théologie du capital (PUF, 2021), Le sauvage et le politique (Le Bord de l’eau, 2023), Les communs (Que sais-je ?, 2021) et Le gouvernement des communs (Michalon, 2022). À travers ses recherches actuelles sur la guerre et la diplomatie, il poursuit une réflexion critique sur le politique en dialogue avec les grandes figures de la pensée contemporaine.
Dénètem Touam Bona, philosophe, artiste et dramaturge.
Auteur de :
Fugitif, où cours-tu ? (PUF, 2016) et de Sagesse des lianes. Cosmopoétique du refuge 1 (Post Editions, 2021), ouvrages portant sur les arts marron du camouflage et la fugue créatrice.
A conçu les expositions : « Sagesse des lianes » au Centre d’art et du paysage de Vassivière (2021-2022), et « Eloge de la submersion » à La Compagnie, à Marseille (2024-2025).
Philosophe et artiste (dramaturgie), Dénètem Touam Bona s’attache à repenser la question du refuge. Face à l’extinction des espèces vivantes et du droit d’asile, face à l’empire croissant des algorithmes sur nos vies, il appelle à la réactivation des arts marrons du camouflage et de la fugue créatrice. Il est notamment l’auteur de Fugitif, où cours-tu ?(PUF, 2016) et de Sagesse des lianes. Cosmopoétique du refuge 1 (Post Editions, 2021). En 2021-22, au Centre d’art et du paysage de Vassivière, Dénètem a conçu l’exposition afrodiasporique « Sagesse des lianes » et l’œuvre collaborative « Spectrographies, contes de l’île étoilée » (performances, films VR, sculptures). Porté par la Compagnie (Marseille), « Eloge de la submersion », son dernier projet (2024-25), déploie des perspectives transe-océaniques.
Justine Feyereisen, chercheuse, philosophe et écrivaine.
Autrice de :
Renouer avec la terre extatique. Essai de sensopoétique chez J.M.G. Le Clézio, Garnier 2024.
Préparation d’un ouvrage sur l’hydro-féminisme.
Justine Feyereisen est docteure en langues et littératures françaises et romanes de l’Université libre de Bruxelles et de l’Université Grenoble Alpes. Aujourd’hui lectrice à l’Université libre de Bruxelles, elle a mené des projets de recherche interdisciplinaires dans les champs des études littéraires et post/décoloniales, de la philosophie politique et des relations internationales sur les questions d’espace, de migration, d’utopie et d’écotone depuis les littératures africaines et afro-diasporiques à l’Université de Berkeley, à l’Université d’Oxford et à l’Université de Gand. Elle est l’autrice de Renouer avec la terre extatique : Essai de sensopoétique chez J.M.G. Le Clézio (Classiques Garnier, 2024), l’éditrice de cinq collectifs dont Utopia, Migration, Ecotone (PULM, à paraître) et la traductrice de Refugia : Solutions radicales aux déplacements de masse de Robin Cohen et Nicholas Van Hear (Editions de l’ULB, à paraître). Elle est Présidente de l’Association des Lecteurs de J.M.G. Le Clézio. Elle a été commissaire scientifique de l’exposition Catherine, Kiambe, Surya d’Elisa Moris Vai (Photo Oxford Festival, Maison Française d’Oxford, 2021).
Depuis 2011, OBT.T mène une recherche subaquatique intitulée Sirénidés. Elle relève d’une mythologie productive et s’incarne par des exercices féériques dans des sanctuaires rupestres immergés. Cette expérimentation se déroule habituellement dans l’eau vive de l’arrière-pays mentonnais ou à la frontière maritime franco-italienne, lors de performances bisannuelles.
Loin de toute représentation racoleuse, nous abordons l’eau comme un lieu de passage entre les états. OBT.T souhaite poser la question du réenchantement de notre rapport à l’eau sauvage, en dehors des logiques de marchandisation de l’imaginaire.
Il s’agit d’explorer le feuilletage du regard, le temps suspendu, l’espace liminal. Par ces gestes, nous rejoignons un effort partagé : celui d’investir de l’affect dans les biotopes. L’enchantement agit ici comme une amarre entre le corps humain et son milieu — une résistance à l’extractivisme abusif qui vide les eaux, aux destructions collatérales de nos pratiques agricoles, piscicoles et touristiques, à la chaîne invisible des polluants.
Le travail de l’image métaphorique et les pratiques rituelles spontanées produisent une connexion entre cartographie mentale et géologique. Nous postulons que cette liaison permet de tisser des co-évolutions possibles.
Ici, nos corps troquent le creuset du canyon pour celui de la salle de spectacle enterrée du Centre Wallonie-Bruxelles. L’architecture en dénivelé du lieu agit comme les gorges où nous installons habituellement notre campement : nous arrivons par le haut, gagnons l’endroit le plus praticable de la zone, et commençons par installer le matériel. Bayrose, notre artisan du voyage, encorde le terrain ; Octo et Balthazar préparent leur métamorphose.
Dans cette topographie spécifique, les volumes des marches, rideaux, gradins structurent nos actions. Les sièges du public que nous nous étions réservés lui sont rendus, réattribués sur le pourtour de la cavité scénique.
Alors que la transformation en sirénidés se produit en temps réel sur le plateau, défilent en fond de scène d’autres formes aquifères — passées, futures, potentielles. Tout au long des 20 minutes de performance, un montage des vidéos-témoins issues de nos résidences Sirénidés est projeté. Cette compilation constitue une archive de dix années d’actions auto-filmées avec les moyens du bord, où chaque session esquisse le portrait d’un paysage et de nos corps : 2013 semble très froid, 2015 baigne dans une lumière automnale, en 2017 l’un·e d’entre nous change de corporalité, 2019 est l’année des têtards, 2021 est dansée et baroque, 2023 s’accompagne d’un fantôme et d’une brume laiteuse.
Peu à peu, leur accumulation compose une ritournelle. La frontière entre le récit fantastique et la phénoménologie brute se trouble, donnant lieu à un journal d’images, une déclaration d’existence.
L’écran joue ici le rôle d’une fenêtre sur vasque, où se succèdent, sans chronologie, les différentes incarnations de sirènes. La performance convoque ainsi deux temporalités, deux espaces, deux formes de vie simultanées.
En fond, la toile projette — au sens propre comme au figuré.
Devant, l’espace de la salle et des gradins déploie les conditions matérielles nécessaires à l’existence du projet.
Plus qu’une forme rapportée au sec des sirénidés, nous cherchons à transmettre les gestes et la dynamique qui les rendent possibles. Montrer ce qui précède, ce qui advient juste avant le point de bascule.
Lorsque tout est en place — queues, voiles et coques, poils ou secondes peaux ; lorsque les nœuds sont sûrs et bien orientés ; que les corps sont préparés au froid et à l’apnée ; que le matériel de captation est installé, le réflecteur placé comme un phare —
lorsque le top est lancé…
…la performance s’arrête.
Si l’écologie est souvent cantonnée à une philosophie de la nature ou du vivant, elle engage plus largement un renversement de notre modèle de pensée, telle une « révolution copernicienne » qui ébranle les fondements de l’anthropocentrisme, de l’impérialisme, de l’extractivisme ou de la phallocratie, sur lesquels repose notre société. D’une métaphysique fixiste faite d’objets manipulables dont on dispose à volonté, à une ontologie relationnelle où ce sont désormais les liens entre les individus qui priment et s’avèrent constitutifs de toute forme de vie, c’est l’ouverture vers un monde pluriel, mouvant et fluide, qui se joue à travers la pensée écologique. Ainsi, quels nouveaux types de cosmologie se redessinent, dès lors que l’humain se déshabille de son « hybris » et ne se comprend plus comme le centre du monde ? Quelles figures de dissidence, jusque-là mises à la marge par le capitalocène ou le modernisme, émergent de ce monde fluide ? Quels liens éco-poétiques se tissent avec l’environnement, sitôt que l’on se détourne d’un rapport purement instrumental aux choses ? En quoi l’écologie cherche-t-elle à subvertir le système mortifère de l’ordre néolibéral ? Et en quoi fertilise-t-elle nos forces et notre imagination pour édifier les contours d’un monde commun traversé d’utopies bleues, de piraterie, de marronnage et d’anarchie ?
François Salmeron
Cette table ronde sera suivie d’une intervention (15 minutes) des critiques d’art et commissaires Clément Thibault et Anastasiia Baryshnikova afin de présenter les enjeux de l’exposition « Sous le même ciel ? », présentée actuellement au Cube - Garges.