Installation «Procréation Lab » de Louise Assouly
Entrée libre
Black Box du Bunker
Accès via la Galerie au 127-129 rue Saint-Martin, 75004 Paris
Acier, céramique, mère de kombucha, eau, cocktail magique alcoolisé à boire dans les shots, plâtre, 2025
Le travail de Louise Assouly interroge la possibilité de se réapproprier le médical, ses outils, son langage, ses protocoles, afin de l’utiliser comme émancipation. Utérus artificiels, organes externes, membranes cousues, imageries médicales : ses installations, au lieu de laisser l’anatomie aux médecins et la biologie à la société, ouvrent la porte au hacking du corps pour le rendre irrémédiablement nôtre. Un DIY physiologique qui permet de se réenfanter tel qu’on se voit et tel qu’on se veut, et ainsi reprendre le contrôle de soi.
Louise Assouly obtient un DNA à la HEAR en 2023, puis un master en sculpture à l’ARBA à Bruxelles en 2025. Elle co-fonde actuellement à Bruxelles le collectif d’artistes Dommage, regroupant 18 artistes.
Ce laboratoire s’inscrit dans une réflexion sur les biotechnologies liées à la procréation, encore largement inaccessibles à une pluralité de parcours de vie. Leur accès restreint, loin d’être neutre, révèlent des logiques de pouvoir ancrées dans des politiques de contrôle normatif des genres, des sexualités et des corps. Sous le vernis du progrès, ces dispositifs peuvent prolonger, voire renforcer, des formes de domination médicale et étatique, instaurant des hiérarchies implicites entre les corps légitimes et ceux qui ne le sont pas.
Face à ces mécanismes de normalisation, ce laboratoire propose une échappée. Pensé comme un espace autogéré, communautaire et ouvert à toustes, il s’inspire des pratiques de biohacking pour reconfigurer notre rapport au soin, à la transmission et à la biologie. Il n’y est pas question de guérir, mais d’habiter autrement les possibles du vivant. Dans ce contexte, le kombucha, culture symbiotique de levures et de bactéries, devient bien plus qu’un simple ferment : il incarne une figure spéculative, organique et politique à la fois : membrane vivante, placenta, organisme en transformation, soin, reproduction, partage, le tout en échappant à toute assignation fixe.
Le SCOBY, par sa capacité à se multiplier, à se transmettre et à se partager librement, esquive les logiques marchandes. Ni brevetable, ni centralisé, il se propage par le don, le troc, la circulation horizontale des savoirs et des pratiques. En cela, il offre une forme de résistance silencieuse mais féconde aux structures capitalistes du vivant. La relation que nous entretenons avec lui est nourricière et réciproque : en lui offrant du thé sucré, il nous rend, en retour, ses probiotiques. Une alliance simple mais symbolique, qui redéfinit les termes du soin.
Ici, la topique médicale ne sert plus à classer ni à pathologiser, mais à ouvrir les corps et le vivant à des devenirs non-binaires. Le laboratoire donne à voir une biologie brute, élémentaire, libérée des découpes arbitraires : un territoire instable, fluide, composite, fertile dans toutes les directions, échappant aux catégories closes qui figent plus qu’elles ne révèlent.
Si ce laboratoire artefact, à mi-chemin entre organisme et dispositif, produit une certaine étrangeté, parfois même une inquiétude c’est précisément parce qu’il suggère d’autres futurs, d’autres configurations corporelles et politiques, qui nous forcent à dévier de nos itinéraires habituels. En ce sens, il ne propose pas une solution, mais une dérive fertile, un espace de friction, de trouble, et donc, potentiellement, de transformation.