Du 2 mars au 30 avril 2023

Résidence 1+2, Toulouse

Téo Becher (1991) vit et travaille à Bruxelles. Il est titulaire d’un baccalauréat de photographie obtenu à l’École Supérieure des Arts de l’image LE 75 Le Septante-Cinq à Bruxelles (2011-2014) et d’un master en photographie du KASK à Anvers (2018-2020).
Dans son travail, la relation à un territoire précis et défini est primordiale car c’est au travers de celui-ci que ses images développent leur pouvoir narratif ainsi que leur faculté à créer des ambiances et nourrir l’imaginaire du spectateur·rice.

Initiée par Philippe Guionie fin 2015, la Résidence 1+2 « Photographie & Sciences » est un programme de résidences artistiques associant la photographie et les sciences, ancré à Toulouse et à vocation européenne. Programme conventionné avec les collectivités territoriales et l’Institut français, la Résidence 1+2 rassemble chaque année trois photographes (1 photographe de renom + 2 photographes émergent.e.s) pour une résidence de deux mois en mars et avril. Durant ce temps, les photographes vivent ensemble et créent une œuvre personnelle et inédite. Ils/elles sont soutenu.e.s dans leurs recherches par les collectivités territoriales, les institutions universitaires (Université fédérale de Toulouse) et scientifiques (CNRS) et des chercheur.e.s basé.e.s à Toulouse et sa métropole, ainsi qu’en Occitanie. Ils/elles sont également accompagné.e.s par un parrain ou une marraine appartenant au monde de la photographie (BNF) ou des sciences (CNRS). En associant la photographie et les sciences, la Résidence 1+2 produit, valorise et promeut une photographie d’auteur en liens étroits avec un patrimoine scientifique exceptionnel.

Le fruit de ce temps de création est présenté en octobre suivant, sur trois supports différents (une exposition de type muséale, un coffret de trois ouvrages dans une Collection « Toulouse » aux éditions Filigranes, un film de création de format 26mn). Une semaine inaugurale est organisée avec plusieurs temps forts dont le « Colloque national – Photographie & Sciences » où photographes, scientifiques, parrain ou marraine, journalistes et publics échangent lors de plusieurs tables-rondes thématiques. La Résidence 1+2 œuvre ainsi pour que ce partage des savoirs crée une réflexion sociétale commune dans une dynamique collective associant tous les publics.

Après avoir soutenu l’accueil des photographes Laure Winants en 2021 et Alice Pallot en 2022, le Centre renouvelle en 2023 son partenariat avec la Résidence 1+2 au bénéfice de Téo Becher dont le travail fut présenté par le Centre dans l’exposition collective « Topographies sensibles en Hors-les-Murs à la galerie Talmart, du 19 janvier au 12 février 2023.

Après avoir soutenu l’accueil de la photographe Laure Winants en 2021, d’Alice Pallot en 2022, le Centre renouvelle en 2023 son partenariat avec la Résidence 1+2 autour de l’accueil de Téo Becher. Le Centre réitère ainsi son soutien au photographe représenté cette année également dans la programmation du Centre, dans l’exposition collective « Topographies sensibles » hors-les-murs Satellite du Centre à la galerie Talmart, du 19 janvier au 12 février 2023.

« Le projet que je souhaite mener lors de la résidence 1+2 à Toulouse s’ancre dans des réflexions et recherches qui habitent mon travail depuis quelques années maintenant, autour de la question de la séparation entre nature et culture.

Ici, ce sont principalement les écrits de Philippe Descola dans Par-delà nature et culture qui servent de base à mes réflexions. Descola analyse et décrypte nos façons d’entrer en relation avec le monde naturel et décrit, dans la pensée Occidentale, le moment du passage à ce qu’il nomme le naturalisme et qui est, pour résumer, la séparation entre le corps et l’esprit. Tous les êtres vivants partagent une même externalité – à savoir, le corps physique, les organes, etc. – mais ne partagent plus d’internalité – l’esprit ou l’âme – dont seuls les humains sont dotés. Cette modification participera à l’objectification de la nature, vue dès lors comme une matière inerte, exploitable et, surtout, hors de nous. A ce titre, il est intéressant de considérer le terme d’environnement qui, de prime abord, place le monde naturel comme un décor, autour, environnant, avec l’humain au centre et lui donnant toute l’importance au détriment de l’habitat.

Pour cette résidence, j’aimerais alors suivre le travail des chercheurs·euses du laboratoire GEODE qui étudient les forêts anciennes dans le territoire large de Toulouse, ainsi que le milieu montagnard et les zones humides. Le laboratoire GEODE dirige ses recherches vers des axes qui font pleinement sens avec mes réflexions récentes. La position d’interface entre les sciences sociales (notamment l’anthropologie) et les sciences de l’environnement qu’adopte le GEODE m’intéresse beaucoup, selon des angles conceptuels et méthodologiques variés et originaux, puisqu’il s’agit de réfléchir et repenser notre relation au monde dit naturel. Dans le fond, en m’intéressant aux interactions humains-milieu, ce qui constitue le cœur de mon travail actuellement est une réflexion sur la perception, sur le regard : comment notre regard sur un paysage implique un jeu de relations très concrètes avec ce dernier. Comment regarde-t-on un paysage ? En Occident, pour qu’il y ait paysage, l’observateur (extérieur, c’est à noter) doit se placer sur un point de vue dégagé, afin d’embrasser une vue générale de ce paysage, une vue d’ensemble comme le définit le Larousse. Là-dessus, je me laisse guider par les écrits de François Jullien dans Vivre de paysage sur la conception du paysage chinois où l’auteur montre (pour faire court) que la peinture de paysage chinoise remet en perspective cette nécessité du point de vue ainsi que la prépondérance du visuel propre à la culture occidentale. Pour la peinture chinoise, un paysage peut très bien se trouver en plein milieu d’une forêt, sans point de vue ni point de fuite.

En ce qui concerne la forme, ma pratique s’ancre dans la photographie argentique documentaire et même si cette dernière en est le point de départ, j’ai toujours ressenti un besoin d’interroger cette manière de voir le monde où l’image est utilisée comme un document, voire une preuve. Cette manière d’interpréter l’image me dérange, de par sa tendance à nous imposer une vérité. Je trouve la photographie beaucoup plus libre et évocatrice une fois libérée de cette contrainte. Néanmoins, le monde extérieur m’intéresse et me passionne et la photographie me permet alors de m’y inscrire.

Dans mon travail, le jeu de relation tissé entre une société et son paysage occupe une place centrale. Ma démarche est marquée par la déambulation au sein d’un espace, l’errance même. Aussi, je suis intéressé par l’intense pouvoir narratif de la photographie ainsi que sa faculté à créer des ambiances et nourrir l’imaginaire du spectateur·trice. Le hors-champ tient une place de choix dans ma pratique car c’est sur ce qui ne se voit pas que s’appuie ce pouvoir narratif. J’aime laisser de l’espace au spectateur·trice afin qu’il·elle puisse évoluer face au travail et y développer sa propre histoire. Enfin, l’aspect direct et physique de la photographie argentique me permet de mieux aborder les territoires et thématiques qui m’intéressent, approfondissant certaines problématiques touchant à la physicalité de la photographie ainsi qu’à sa composante chimique.

A ce titre, j’ai développé des processus de travail nouveau, notamment durant mon projet le plus récent hercynienne. Ici, je travaille les images au tirage en laboratoire, où elles prennent tout leur sens, appuyant le propos mais aussi le complexifiant, le ramifiant. Les images sont manipulées et construites — tel le paysage — et, ainsi, permettent d’ajouter différents niveaux de lecture : il y a le contexte général du projet (pour hercynienne, il s’agit de la forêt de Soignes), le photographié (un arbre, un chemin, des champignons) et la manipulation faite au tirage qui crée alors du lien entre le contexte et le photographié. Pour cette résidence, j’aimerais m’inspirer de cette nouvelle méthode de travail, afin de mettre en avant les endroits du paysage altérés ou modifiés qui intéressent les scientifiques, afin de souligner ce que peuvent y voir ces derniers·ères mais aussi ce que j’y perçois. Enfin, j’essaye de conserver une approche et des codes de la photographie documentaire car ceux-ci me permettent de poser un cadre défini et un rapport au monde, comme souligné plus haut. » Téo Becher

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hercynienne © Téo Becher

hercynienne © Téo Becher

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